Histoire de ta bêtise.

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@ -12,18 +12,36 @@
.SUMMARIZED_BY_FR Philippe Pittoli
.
.ABSTRACT1
Bégaudeau parle des conversations stériles voire malhonnêtes concernant les élections présidentielles de 2017.
Le livre étale le mépris à peine voilé des personnes souhaitant faire
Le livre parle des conversations stériles voire malhonnêtes concernant les élections présidentielles de 2017.
Bégaudeau étale le mépris à peine voilé des personnes souhaitant faire
.I "barrage à la haine"
en votant pour un candidat qu'ils, au fond, désiraient.
Comme d'habitude, mon résumé est également une analyse, plutôt personnelle et en prenant des libertés.
Ce résumé est également une analyse, plutôt personnelle et en prenant des libertés.
N'hésitez pas à vous faire votre propre avis sur l'œuvre, ne prenez pas ce que je dis pour vrai.
.INFORMATIONS_FR \\*[WEBSITE]/histoire-de-ta-bêtise.pdf \\*[EMAIL]
.ABSTRACT2
.TWO_COLUMNS
.SECTION Introduction
.PARAGRAPH_INDENTED
François Bégaudeau est un écrivain, critique littéraire, scénariste, acteur et réalisateur.
Il a reçu une bonne éducation (Agrégé de lettres modernes) et a été enseignant pendant un moment.
Ce travail l'a inspiré pour l'écriture du scénario du film « Entre les murs » (sorti en 2008) qui retrace le quotidien d'un enseignant.
.QUESTION "Qu'est-ce qui m'a amené à m'intéresser à Bégaudeau ?"
Quelques extraits de passages sur des plateaux télé où il a su contrer brillamment la rhétorique des journalistes présents concernant le mouvement des « gilets jaunes », entre autre.
Il avait réfléchi à son sujet et n'allait pas dans le sens habituel et caricatural des médias qui alignent les poncifs, sans pour autant tomber dans la caricature opposée.
Par exemple, dans son passage à « C à Vous » du 29 janvier 2019, il casse l'argument des « violences » qui seraient un problème.
Le vrai sujet n'est pas la violence, mais sa légitimité.
Se plaindre et condamner la violence sur un plateau de télé, uniquement parce que c'est de la violence, c'est un simple appel à l'émotion et une diversion pour ne pas parler du sujet de fond.
Et cela, il l'a très bien compris et expliqué.
Champion.
.QUESTION "Pourquoi ce livre ?"
C'est une introduction pour moi à l'œuvre de Bégaudeau, sur un sujet qui m'intéresse : contrer des discours creux ou malhonnêtes.
Ici, on s'attaque en particulier au discours dominant dans les médias concernant les élections présidentielles de 2017, et son lot de malhonnêtetés de la part des personnes qui défendaient le président élu durant la campagne.
.SECTION Résumé des passages importants
Bégaudeau attaque son livre assez fort en critiquant assez ouvertement toute personne souhaitant voter
.I contre
Lepen et ses alliés.
@ -37,15 +55,22 @@ Les idées sont les mêmes, en aucun cas subtiles, la différence est l'appréci
Quelques exemples : le métissage et le devoir de mémoire.
Pour ou contre, les deux points de vue présentés par eux sont caricaturaux.
Bégaudeau montre même que si on attaque un
Ce point de vue est assez vite expédié dans le livre.
Je vais tenter de mettre quelques mots sur ça.
Je suppose que pour lui, le métissage par exemple est un simple fait.
Il n'y a pas à être pour ou contre, cela arrive, tout simplement.
Pour ou contre, c'est déjà adopter un point de vue selon lequel cela a une quelconque importance.
Ces sujets sont de simples prétextes pour se battre sur du vent, peut-être une diversion pour ne pas parler d'un problème de fond.
Ensuite, Bégaudeau montre que si on attaque un
.I populisme
de droite, on attaque également celui de gauche, comme si au fond la gauche et la droite, c'est plus ou moins la même chose.
de droite, on attaque également celui de gauche, comme si au fond les deux seraient proches.
Et il explique que ce comportement est lié en réalité au mot
.I populisme
qui n'est qu'un substitut au peuple, aux prolétaires.
Et en prenant ce mot pour ce qu'il est, on comprend bien mieux quel est le problème évoqué par ceux qui l'emploient : ce sont des bourgeois qui défendent leurs intérêts face aux prolétaires.
Pour eux, peu importe que ce soient des gauchistes niais ou des droitards xénophobes qui souhaitent prendre le pouvoir.
Peu importe les idées, que ce soit de supprimer les frontières et légaliser des drogues ou renvoyer toute personne de la mauvaise couleur de peau, voire mettre un roi à l'Élysée.
Peu importe que les prolétaires soient « de gauche ou de droite », leurs positions seront caricaturées de manière systématique pour convaincre un maximum de gens de les empêcher de prendre le pouvoir.
Les idées n'ont aucune importance.
Le problème pour eux, c'est qu'à la fin ils vont perdre le pouvoir.
Un bourgeois, même de gauche, reste un bourgeois.
@ -58,13 +83,13 @@ Tu appelles dignité sa résignation.
La célèbre maxime selon laquelle les extrêmes se rejoignent est également attaquée.
Bégaudeau n'apprécie pas spécialement Zemmour, et l'inverse est sans doute vrai également, pourtant cracher sur tout ce que raconte un adversaire politique n'a aucun sens, c'est puéril et vain.
Bégaudeau met en avant que Zemmour a une analyse de classe quand ça l'arrange.
Par ailleurs, Bégaudeau met en avant que Zemmour a une analyse de classe quand ça l'arrange.
Il peut en parler pour critiquer les élites cosmopolites, mais ne s'attardera pas sur les conditions ouvrières\*[*].
.FOOTNOTE1
Pas de griefs contre la loi travail, la flexibilisation des salariés, etc.
.FOOTNOTE2
Le respect des lois, voire carrément du légalisme, c'est aussi ce qui peut définir un bourgeois selon Bégaudeau.
Le respect des lois, voire carrément le légalisme, c'est aussi ce qui peut définir un bourgeois selon Bégaudeau.
Quand notre système protège la classe dominante grâce à des lois, il ne faudrait pas les remettre en question.
Il ne sera jamais question de supprimer la propriété lucrative ou les licenciements par exemple.
@ -74,16 +99,22 @@ De fait, cela peut difficilement être une insulte.
La république sert à légitimer la place des bourgeois, l'élection est leur manière de conserver le pouvoir en prétextant que c'est le peuple qui a choisi.
Ainsi, tous les 5 ans, chaque bourgeois peut dire fièrement que nous, le peuple, sommes responsables quand bien même le jeu est truqué depuis le départ.
L'élection est un piège, une farce, à laquelle on se livre en se leurrant complètement sur l'efficacité réelle de la démarche, sans se poser de question sur le résultat, sans remettre en cause car nous avons intégré que la démocratie c'est l'élection.
L'élection est un piège, une farce, à laquelle on se livre en se leurrant complètement sur l'efficacité réelle de la démarche, sans se poser de questions sur le résultat, sans remettre en cause cette pratique car nous avons intégré que la démocratie c'est l'élection\*[*].
.FOOTNOTE1
À ce sujet, on comprend aisément qu'en changeant le mode de scrutin, l'élection donnerait différentes personnes gagnantes, sans pour autant être « moins démocratique ».
En passant à un suffrage à un tour, ou en classant les candidats plutôt qu'en inscrivant qu'un nom par exemple, tout le paysage politique pourrait changer en favorisant bien moins les magouilles politiques actuelles.
.FOOTNOTE2
La société n'est pas une entreprise, avec ses employés destinés à faire croître l'indice boursier de la boîte.
C'est pourtant l'idéologie la plus répandue.
Pourtant, bien des personnes de ce courant prétendent que ce n'en est pas une, ajoutant même que seuls le communisme et le fascisme sont des idéologies (peut importe ce qu'ils mettent derrière ces étiquettes).
\s-2Petit apparté\s0,
la société n'est pas une entreprise, avec ses employés destinés à faire croître l'indice boursier de la boîte.
C'est une idéologie très répandue, pourtant bien des personnes de ce courant prétendent que ce n'en est pas une.
Ils ajoutent parfois que seuls le communisme et le fascisme sont des idéologies.
Les étiquettes sont pratiques, on peut les placer sur n'importe quel discours qui nous déplaît.
Bien sûr, pour ces gens, il faut combattre les idéologies, elles ne sont pas objectives contrairement à l'économie.
Tout ceci est bien sûr absurde pour quiconque a eu au moins une fois une introduction à ces sujets, mais l'idéologie dominante aliène les personnes.
C'est comme dire à des membres d'un culte sectaire qu'ils sont dans une secte.
Le libéralisme a besoin du fascisme, au moins d'apparence, pour briller par contraste.
Bégaudeau semble avoir bien compris ça, et dit clairement que le libéralisme a besoin du fascisme, au moins d'apparence, pour briller par contraste.
Macron a besoin du RN (ou une version fantasmée), sinon il serait vu pour ce qu'il est.
Il a besoin d'une figure moins ringarde, mais qui ne se révèlera pas moins autoritaire.
@ -94,22 +125,30 @@ J'ajoute volontiers que ce délire s'est désormais répandu à bien des milieux
Ce besoin de tout voir sur un prisme moral, devoir se positionner pour ou contre des idées, une vraie immaturité émotionnelle.
.FOOTNOTE2
La bourgoisie matraque les prolo, mais absorbe le situationnisme, un million de migrants pour l'Allemagne pour sauver sa démographie, le management collaboratif pour absorber la délibération égalitaire, etc.
La liste des récupérations est longue.
La liste des récupérations des bourgeois est longue, par exemple en créant le management collaboratif pour masquer la délibération égalitaire\*[*].
.FOOTNOTE1
Bégaudeau donne quelques exemples sans détailler quoi que ce soit, dommage.
À mon avis cela avait pourtant toute sa place dans le livre.
.FOOTNOTE2
Les discours subversifs sont infantilisés, en les mettant en scène pour les humilier.
Parce que le prolo fait peur, le bourgeois devient « patriarche cool » et donne congés payés, allocations chômage, bourses scolaires, soins.
Comme le prolo fait peur, le bourgeois devient « patriarche cool » et donne congés payés, allocations chômage, bourses scolaires, soins.
Tout ça pour cacher que le système a des cadences laborieuses, énormément de chômage, une ségrégation scolaire, des métiers qui meurtrissent.
Mais comme le travail ne crée plus autant de marges, on taxe davantage le travail, le coût de la vie augmente pour nourrir la marge du bourgeois.
En page 65, Bégaudeau annonce la couleur : dès que l'on rentre dans une phase difficile économiquement, le bourgeois devient complètement libéral, passe à
Comme le travail ne crée plus autant de marges, on taxe davantage le travail, le coût de la vie augmente pour nourrir la marge du bourgeois.
\s-2Page 65\s0, Bégaudeau annonce la couleur : dès que l'on rentre dans une phase difficile économiquement, le bourgeois devient complètement libéral, passe à
.I "En Marche"
et met de côté le Parti Socialiste qui n'était qu'une
.B névrose .
On signe la fin des faux semblants, au moins économiquement parlant.
\s-2Page 80\s0, Bégaudeau parle de Vanessa Paradis, qui n'est pas connue pour ses œuvres pas-si-mémorables, mais parce qu'elle apparaît dans plus de 150 couvertures de magazines.
Elle est « connue pour être célèbre ».
Les magazines ne reflètent pas sa notoriété, ils la crée de toute pièce\*[*].
.EXPLANATION1
Les magazines ne reflètent pas la notoriété, ils la crée.
.EXPLANATION2
Cela rappelle bien évidemment Macron, qui faisait déjà la une de très nombreux journaux avant même 2017, et un nombre délirant de unes lui ont été consacrées l'année de l'élection\*[*].
.FOOTNOTE1
Tout comme Macron qui faisait déjà la une de très nombreux journaux avant même 2017, et un nombre délirant de unes lui ont été consacrées l'année de l'élection.
Un vrai matraquage.
.[
La presse est unanime
@ -121,15 +160,18 @@ Le journalisme crée le candidat.
Tout au long du livre, Bégaudeau rappelle que l'art est tout autant apprécié qu'il raconte quelque chose sur nous-même.
On apprécie une œuvre autant qu'on s'apprécie nous-même aimant cette œuvre.
J'ajouterai qu'on s'aime détester ce que l'on trouve détestable, ou qui paraît détestable.
Et ces réflexions, cette introspection, créent facilement des effets de groupe, de clan, des biais d'attribution.
\s-2Page 82\s0, Bégaudeau est visionnaire.
Il prévoit le conditionnenement des salaires des profs à leur mérite, à leurs performances.
Il prévoit le conditionnenement des salaires des profs à leur mérite, à leurs performances, ce qui, quelques années plus tard, est en discussions.
Il avance que c'est tout simplement parce qu'il est insupportable pour les bourgeois qu'une personne touche un salaire simplement pour faire son travail (sans pression constante d'une hiérarchie, présente pour l'évaluer de toute part je suppose).
La valeur d'un geste doit être liée à une valeur marchande, sinon il ne la voit pas, il ne comprend pas.
La valeur d'un geste doit être liée à une valeur marchande, sinon le bourgeois ne la voit pas, il ne comprend pas.
Le bourgeois ne voit d'ailleurs plus que le commerce, et son monde devient flou : le sourire de la boulangère est-il sincère ou est-ce un argument de vente\*[*] ?
.FOOTNOTE1
Cela rappelle fortement le livre
.I "God Is Not Great: How Religion Poisons Everything" " »." "« "
.I "God Is Not Great: How Religion Poisons Everything" " »" "« "
qui explique, entre autre, comment la religion empêche d'avoir un rapport normal et sincère au monde.
.[
God Is Not Great
.]
@ -138,7 +180,7 @@ God Is Not Great
.CITATION1
Macron n'est pas moderne, il est neuf.
.CITATION2
.NAMECITATION Macron n'est rien d'autre que la continuité de ce qui se faisait déjà des décennies avant lui.
.NAMECITATION Il est la continuité de ce qui se faisait déjà des décennies avant lui.
\s-2Page 100\s0, le bourgeois a peur des extrêmes, lui est dans la nuance.
Sauf bien évidemment pour parler des extrêmes, qui sont extrêmes de manière absolue, donc les nuances envers eux sont de trop.
@ -172,6 +214,14 @@ Toute personne devait prêter allégence, montrer patte blanche.
Toute personne qui n'est pas ostensiblement dans le camp du bien™ est forcément dans le camp du mal™.
Bégaudeau se moque également du ridicule des phrases toute faite : « Paris est une fête » et « vous n'aurez pas ma haine ».
De même, à plusieurs reprise l'hypocrisie ambiante est dénoncée.
Le scandale est une part importante de la vie politique désormais, et c'est une joie immense pour le scandalisé puisqu'elle peut rassembler des gens derrière ce sentiment.
Le scandale, cet outil merveilleux.
De même, il souligne l'hypocrisie d'une personne feignant
.I "penser par elle-même"
mais qui, malgré quelques écarts de conduite
.I "pour faire rebel" ,
finit gentiment par rentrer dans le rang en mettant de côté sa personnalité pour se mettre au service d'une entreprise.
.SECTION Expressions vides de sens
.PARAGRAPH_INDENTED
@ -225,7 +275,7 @@ Ce passage montre son point de vue, et c'est un peu tout.
Autre exemple, à un moment il parle du racisme engendré par le capitalisme.
Autant la prédation du libéralisme me semble évidente, autant le racisme du capitalisme beaucoup moins.
Page 66 à 67, Bégaudeau parle des attentats de 2015, le fait que si on parle de « banlieue islamiste » c'est forcément pour parler des « arabes ».
\s-2Page 66\s0, Bégaudeau parle des attentats de 2015, le fait que si on parle de « banlieue islamiste » c'est forcément pour parler des « arabes ».
Pour lui, se désolidariser des islamistes et dire fermement qu'on ne veut pas de ça parce qu'on s'attaque à nos valeurs, c'est en réalité être raciste.
Je ne suis pas d'accord, je pense que c'est un faux dilemme un peu ridicule.
Il va même jusqu'à dire qu'on ne considérerait pas le français qui ne boit pas comme un français, ce qui est complètement abusé selon moi.
@ -236,19 +286,16 @@ Tout comme, page 75, il parle de communautarisme (sous-entendu presque racial) d
.QUESTION "Sentiment d'inachevé."
Beaucoup de points intéressants sont soulevés dans le document, mais sans être creusés pour expliquer le point de vue, avancer des arguments clairs.
Malheureusement, certains arguments sont lâchés en rafales.
À l'inverse, Bégaudeau s'attarde parfois sur du détail esthétique, qui a beau taper juste mais ne me fait ni chaud ni froid.
Oui, il cible bien, voire très bien, le petit bourgeois qu'il a sans doute réellement cotoyé, mais se lancer dans une analyse de sa personne sans apporter une critique de fond un peu détaillée est finalement un peu superficiel.
Bégaudeau s'attarde parfois sur du détail esthétique, qui a beau taper juste mais ne me fait ni chaud ni froid.
Oui, il cible bien le petit bourgeois qu'il a sans doute réellement cotoyé, mais se lancer dans une analyse de sa personne sans apporter une critique de fond sur les positions qu'il tient me semble superficiel.
J'aurais bien vu quelques pages supplémentaires sur le fond.
.SECTION Conclusion
.PARAGRAPH_INDENTED
À plusieurs reprise Bégaudeau rappelle l'hypocrisie ambiante.
Le scandale est une part importante de la vie politique désormais, et c'est une joie immense pour le scandalisé puisqu'elle peut rassembler des gens derrière ce sentiment.
Le scandale, cet outil merveilleux.
De même, il souligne l'hypocrisie d'une personne feignant
.I "penser par elle-même"
mais qui, malgré quelques écarts de conduite
.I "pour faire rebel" ,
finit gentiment par rentrer dans le rang en mettant de côté sa personnalité pour se mettre au service d'une entreprise.
Je pense que cette analyse est juste.
Au fond, Bégaudeau critique avant tout certains sophismes, souvent employés par les mêmes personnes pour justifier l'injustifiable (ou l'inavouable).
Je trouve cela assez juste, la plupart du temps.
Le livre manque un peu de substance sur le fond, des arguments un peu plus élaborés, mais il n'a jamais eu la prétention d'en apporter.
Je lui pardonne ce défaut, qui est peut-être nécessaire pour rester digeste : le livre est vraiment court, probablement pour attirer des lecteurs timides.